Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/35

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et d’Horace était son amusement favori. Le contraste de son humble rang et de ses goûts littéraires le rendait singulièrement intéressant. Il était simple et sans affectation. Sachant dans l’occasion déployer de la fermeté, il était doux, timide, inoffensif et ingénu. On le citait pour sa probité. Une dame l’avait une fois employé pour porter une somme de mille livres sterling à quelqu’un à plusieurs milles de distance ; une autre fois un particulier lui avait confié, pendant son absence, la garde de sa maison et de son mobilier, qui valait au moins cinq fois cette somme. Dans sa manière de penser, il avait toujours montré un grand amour de la justice, beaucoup de candeur et de sagesse. Il avait gagné quelque argent à fourbir les armes de ses officiers, métier pour lequel il avait un talent particulier ; mais il avait refusé le grade de sergent ou de caporal qui lui avait été offert, disant qu’il n’avait pas besoin d’argent, et que dans ce nouveau poste il aurait moins de loisirs à donner à l’étude. Il avait aussi refusé constamment des présents que voulaient lui faire des personnes frappées de son mérite ; non que ce fût, de sa part orgueil ou fausse délicatesse, mais parce que, disait-il, il ne croyait pas devoir en conscience accepter des choses dont il ne sentait nullement avoir besoin. Cet aimable jeune homme mourut pendant que j’étais en prison. Je reçus son dernier soupir[1].

J’étais obligé de passer la journée entière dans la

  1. On trouve une histoire toute semblable dans le Calendrier de Newgate, vol. I, p. 382.