Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/34

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Ketch[1] et non la sienne. En disant cela, il se jeta brusquement sur un banc qui était près de lui et parut s’endormir un moment ; mais son sommeil était agité ; sa respiration pénible ressemblait de temps en temps à une sorte de gémissement. Un jeune homme de l’autre côté de la chambre s’en vint doucement, armé d’un grand couteau, à l’endroit où celui-ci était couché, la tête pendante sur un des côtés du banc, et lui appuya sur le cou le dos de la lame avec tant de force que ce ne fut qu’après beaucoup d’efforts que l’autre put venir à bout de se relever. « Ma foi, Jean, dit l’homme au couteau, encore un peu et ton affaire était faite. » Celui-ci, sans témoigner le moindre ressentiment : « Dieu te damne, lui dit il d’un ton chagrin : pourquoi diable n’as-tu pas pris le tranchant ? ç’aurait été le meilleur ouvrage que tu eusses fait depuis longtemps[2] ! »

Il y avait un des individus détenus pour vol de grand chemin, dont le cas était assez extraordinaire. C’était un simple soldat, de la physionomie la plus séduisante, âgé de vingt-deux ans. Le plaignant, qui avait été volé un soir en revenant très-tard du cabaret, et à qui on avait pris trois shellings[3], avait affirmé que ce jeune homme était son voleur. Il était difficile de trouver un caractère comparable à celui de ce prisonnier. Son état ne l’avait pas empêché de cultiver son esprit ; la lecture de Virgile

  1. Jack Ketch, le bourreau.
  2. Un ami de l’auteur a été témoin, à Newgate, il y a quelques années, d’un fait absolument semblable à celui-ci.
  3. Le shelling vaut la vingtième partie d’une livre sterling c’est-à-dire environ 1 fr. 25 c.