Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/38

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trois personnes ensemble pour dormir[1]. Je fus assez heureux pour en avoir un à moi seul. Nous étions à l’approche de l’hiver. On ne nous permettait pas d’avoir de chandelle, et, comme je l’ai dit, on nous enfermait dès le coucher du soleil, pour ne nous délivrer que le lendemain au jour. C’était là notre situation pendant quatorze ou quinze heures sur vingt-quatre. Je n’avais, dans aucun temps, été accoutumé à dormir plus de six ou sept heures, et alors j’avais moins de penchant au sommeil que jamais. Ainsi j’étais réduit à passer la moitié de ma journée dans cette effroyable demeure et dans une obscurité complète ; ce qui ne laissait pas d’aggraver mon sort.

Au milieu de mes sombres réflexions, j’exerçais ma mémoire à compter les portes, les ferrures, les verrous, les chaînes, les murs épais, les barreaux et les grilles qui se trouvaient entre moi et la liberté. « Voilà donc, me disais-je, les instruments que la tyrannie, dans le recueillement de ses froides méditations, se plaît à inventer. Voilà l’empire que l’homme exerce sur l’homme. C’est ainsi que l’on tient dans les liens et dans la torpeur un être né pour développer et agrandir toutes ses facultés. Qu’il doit être dépravé ou stupide celui qui ose soutenir ce système d’oppression, où la santé, la gaieté, la sérénité de l’homme vont se perdre sous la fétidité mortelle d’un cachot et sous les rides profondes du désespoir ! »

  1. Voyez Howard, sur les Prisons.