Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/39

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« Grâces au ciel, dit l’Anglais, nous n’avons pas de Bastille ! grâces au ciel, chez nous aucun homme n’est puni, s’il n’est criminel ! » Misérable privé de sens ! est-ce une terre de liberté que celle où des milliers d’hommes languissent dans les cachots et dans les chaînes ? Va, va, ignorant, va t’instruire dans nos prisons. Apprends à connaître leur insalubrité, leur puanteur, la tyrannie de ceux qui les gouvernent, la misère de ceux qui les habitent. Reviens après ce spectacle, et montre-moi quelqu’un assez déhonté pour dire encore d’un air triomphant : « L’Angleterre n’a pas de Bastille ! » Y a-t-il une accusation si frivole qui n’expose un homme à être plongé dans ces épouvantables demeures ? Y a-t-il quelque basse noirceur qui n’ait pas été mise en œuvre par les officiers de justice et par les accusateurs ? Mais, peut-être, m’allez-vous dire, contre toutes ces injures on obtient des réparations. Des réparations ! Ce mot même est le comble de l’insulte ! Quoi ! ce malheureux réduit au désespoir, qui ne s’est vu acquitter qu’au moment où la langueur et la misère allaient éteindre en lui les restes de la vie, ira poursuivre des réparations ? Où trouvera-t-il assez de loisir, et surtout assez d’argent pour salarier les agents et les ministres de la loi, pour payer ce remède si lent et toujours si chèrement acheté ? Non, non, il est trop heureux de laisser derrière lui son cachot et l’affreux souvenir des moments qu’il y a passés ; les mêmes caprices de l’oppression et de la tyrannie seront l’héritage de l’infortuné qui vient prendre sa place.

Pour moi, je contemplais les murs tout autour