Page:Godwin - Caleb Williams, II (trad. Pichot).djvu/43

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bras qui ne fût prêt à prêter son secours pour précipiter ma ruine. Un homme qui n’a pas senti, dans les plus grands intérêts de sa vie, la justice, l’éternelle vérité, l’inaltérable équité, liées inséparablement à sa cause, et de l’autre côté la force brutale, l’opiniâtreté stupide et l’orgueilleuse insolence conjurées contre lui, ne peut pas imaginer ce qui se passait en moi. Je voyais la perfidie et le mensonge rayonnant d’honneur et triomphant ; je voyais la faible innocence broyée en poussière sous la main toute-puissante du crime.

Où pouvais-je chercher du soulagement à ces sensations ? Était-ce au milieu de ce chaos de licence et d’exécration où je passais la journée, et où chaque figure me réfléchissait l’image d’une angoisse qui ne le cédait qu’à la mienne ? Celui qui voudrait se former une idée des régions infernales n’aurait besoin que d’assister pendant quelques heures à l’affreux spectacle que j’ai eu sous les yeux pendant plusieurs mois. Il ne m’était pas permis de me soustraire un moment à cette complication d’horreurs, ni de me réfugier dans le calme de la méditation. L’air, l’exercice, l’attention, la variété des objets, tous ces grands mobiles de l’activité de l’homme m’étaient interdits pour toujours par l’inexorable tyrannie qui me tenait en son pouvoir. La solitude nocturne de mon cachot n’était pas moins insupportable. Je n’y avais pas d’autre meuble que la paille qui servait à mon repos. Il était étroit, humide et malsain. Un esprit épuisé comme le mien par la plus accablante uniformité,