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Page:Godwin - Caleb Williams, I (trad. Pichot).djvu/104

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— Vous rendre malheureuse ! Comment pouvez-vous me faire une pareille question ? Mais, prenez garde, Émilie, n’allez pas me fâcher ; voulez-vous encore me tourmenter avec vos idées romanesques ?

— Non, non ; je n’ai pas d’idées romanesques. Mais j’ai besoin de vous parler sur une chose dont dépend tout le bonheur de ma vie.

— Oh ! je vois bien où vous voulez en venir. Taisez-vous. Vous savez que vous ne gagnerez rien à me persécuter avec votre maudite obstination. Vous ne voulez pas que j’aie un seul moment de satisfaction avec vous. Quant à Grimes, je suis déterminé sur cela, et il n’y a rien au monde qui puisse me faire changer de résolution.

— Mais, cher cousin, je vous en prie, songez-y un peu. Il faut à M. Grimes une femme qui lui convienne. Il serait tout aussi embarrassé de moi que moi de lui. Pourquoi nous forcer tous les deux à faire ce qui est aussi, opposé au goût de l’un qu’au goût de l’autre ? Je ne peux jamais m’imaginer que vous ayez réellement ce dessein dans la tête ; mais, par pitié, je vous en conjure, si vous l’avez, abandonnez-le. C’est une chose bien sérieuse que le mariage. Vous seriez bien fâché, pour une simple fantaisie, d’avoir uni deux personnes qui ne se conviennent pas le moins du monde. Nous serions aux regrets et malheureux tous les deux pour toute notre vie. Les mois, les années viendraient l’un après l’autre, et je ne pourrais espérer d’être libre que par la mort de la personne, que mon devoir m’obli-