Page:Godwin - Caleb Williams, I (trad. Pichot).djvu/105

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gerait d’aimer ! J’en suis bien sûre, mon cousin, il n’est pas possible que vous me vouliez tant de mal. Qu’ai-je donc fait pour avoir mérité que vous soyez mon ennemi à ce point-là ?

— Je suis point votre ennemi. Je ne veux que ce qui est nécessaire pour vous empêcher de tomber dans le précipice. Mais, quand je serais votre ennemi, je ne pourrais jamais être pour vous un tourment pareil à celui que vous êtes pour moi. N’êtes-vous pas continuellement à me chanter les louanges de Falkland ? n’êtes-vous pas folle de Falkland ! C’est une légion de diables pour moi que cet homme ! Autant vaudrait pour moi être un pauvre mendiant, un nain, un monstre, je crois ! J’ai vu un temps où on avait de la considération pour moi. Mais à présent qu’ils sont tous engoués de ce faquin francisé, ils me trouvent grossier, bourru, brutal, tyran. Il est vrai que je ne sais pas faire de belles phrases, flagorner les gens par des louanges hypocrites et déguiser le fond de ma pensée. Le fat sait bien qu’il a tous ces misérables avantages, et il ne s’en sert que pour m’insulter sans relâche. C’est un rival et un persécuteur que je retrouve toujours sous mes pas ; mais, comme si ce n’était pas assez, il a trouvé le moyen d’apporter la peste jusque dans ma propre maison. Vous, que nous avons prise ici par charité, vous qui êtes le malheureux fruit d’un mariage mal assorti, voilà que vous vous tournez comme un serpent contre votre bienfaiteur, et que vous me déchirez à l’endroit le plus sensible. Quand je serais votre ennemi, aurais-je tort ? Pour-