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Page:Godwin - Caleb Williams, I (trad. Pichot).djvu/116

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dant, il insinua à Émilie l’idée d’un projet d’après lequel il pourrait l’aider dans sa fuite, sans qu’il en parvînt la moindre chose à leur connaissance, comme en effet il y avait peu de probabilité que leurs soupçons, en pareil cas, vinssent à se fixer sur lui, « Miss Émilie, dit-il, vous m’avez refusé d’une manière un peu dédaigneuse, je peux bien dire cela ; vous m’avez pris, je crois, pour une bête brute ; mais je ne vous en veux pas malgré cela, et je vous ferai voir que je n’ai pas plus de fiel qu’un enfant. C’est une bien drôle de manie que vous avez, de n’écouter comme cela que votre tête, et de désobliger tous vos amis ; mais si vous êtes résolue, ma foi, je ne me soucie guère d’être le mari d’une fille qui n’y va pas d’aussi bon cœur que moi : partant, je vous aiderai de mon mieux à vous mettre à même de suivre votre inclination, et de vous en aller où vous voudrez. »

Émilie saisit avec empressement l’idée que Grimes lui suggérait, et s’y attacha vivement ; mais, quand on en vint à discuter les détails de l’entreprise, son premier feu se refroidit un peu. Il fallait, suivant Grimes, que sa fuite eût lieu à la nuit close. Il se cacherait lui-même dans le jardin et se munirait de fausses clefs pour la délivrer de sa prison. Ces circonstances n’étaient guère propres à calmer son imagination troublée. Aller se jeter, pour ainsi dire, dans les bras d’un homme qui lui avait été proposé pour mari, et qui, sous ce rapport, était pour elle le plus insupportable des hommes, c’était sans doute une démarche fort extraordinaire. Les