Page:Godwin - Caleb Williams, I (trad. Pichot).djvu/117

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ténèbres, la solitude, tous ces accessoires chargeaient encore le tableau. La situation du château de Tyrrel était singulièrement solitaire ; il y avait trois milles de distance au plus prochain village, et pas moins de sept à celui où demeurait la sœur de Mrs. Jakeman, auprès de laquelle miss Melville était résolue d’aller chercher un asile. Ce n’est pas que le caractère ingénu et franc d’Émilie lui permît de soupçonner Grimes capable d’abuser de ces avantages d’une manière indigne et brutale ; mais son âme se révoltait involontairement à l’idée de se mettre ainsi seule à la merci d’un homme qu’elle avait pris l’habitude de regarder comme l’instrument des noirceurs de son perfide parent.

Après avoir roulé quelque temps toutes ces circonstances dans sa tête, il lui vint à l’idée de prier Grimes d’engager la sœur de Mrs. Jakeman à se trouver à la porte du jardin en dehors pour l’attendre. Mais Grimes refusa nettement cette proposition, qui même parut le mettre en colère.

« C’était, dit-il, avoir bien peu de reconnaissance de ce qu’il faisait, que de vouloir le forcer à admettre d’autres personnes dans la confidence du rôle dangereux dont il se chargeait dans cette affaire. Quant à lui, il était bien déterminé, pour sa propre sûreté, à n’y paraître pour rien aux yeux d’âme qui vive. Si miss Émilie ne l’avait pas cru sincère quand il lui avait fait, par bonté de cœur, la proposition de la servir, et si elle ne voulait pas se fier à lui pour la moindre chose, elle n’avait qu’à en courir les risques elle-même. Il était bien résolu à