Page:Godwin - Caleb Williams, I (trad. Pichot).djvu/119

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Les idées les plus inquiétantes la tourmentèrent pendant toute la nuit. Quand un moment d’oubli passager venait assoupir ses sens, aussitôt son imagination malade appelait autour d’elle mille images de trahison et de violence ; elle se voyait dans les mains de ses impitoyables ennemis, acharnés sans relâche et sans remords à consommer sa perte. À son réveil, elle n’avait pas d’idées plus consolantes : c’en était trop pour sa faible constitution. À l’approche du matin, elle prit la résolution de se mettre à tout hasard dans les mains de Grimes. Cette détermination ne fut pas plus tôt prise, qu’elle sentit son cœur soulagé. Quelques fâcheuses conséquences qui pussent résulter d’une telle démarche, il lui sembla qu’elles ne pouvaient entrer en balance avec les malheurs qui l’attendaient inévitablement dans cette fatale demeure.

Quand elle fit part à Grimes du parti auquel elle s’était décidée, il eût été difficile de dire s’il en ressentit du plaisir ou de la peine. Il sourit, à la vérité ; mais ce sourire fut accompagné d’une contraction convulsive dans sa figure, qui laissait deviner si c’était le rire de la malignité ou celui de la satisfaction. Toutefois, il renouvela l’assurance d’être fidèle à ses engagements et ponctuel dans l’exécution. Pendant ce temps, la journée se passait en présents de noces et en préparatifs, qui tous indiquaient combien les machinateurs de ce complot étaient résolus et sûrs du succès. Émilie avait espéré qu’à mesure que la crise approchait, ses gardiens se relâcheraient un peu de leur vigilance ordinaire. Dans