Page:Godwin - Caleb Williams, I (trad. Pichot).djvu/123

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traire, il fut singulièrement silencieux et pensif, ce qui ne fut rien moins qu’agréable à Émilie, qui n’aimait guère sa conversation.

Après deux milles de marche environ, ils arrivèrent à un bois qu’il fallait traverser pour gagner la route qui conduisait à leur destination. La nuit était fort obscure, en même temps que l’air était très-doux, car on était alors dans le cœur de l’été. Ils avaient déjà pénétré au milieu de cette sombre solitude, lorsque Grimes, sous prétexte de chercher la route, poussa son cheval en avant, tout contre celui de miss Melville, et ensuite, étendant la main tout à coup, il lui saisit la bride. « Je crois, dit-il, que nous ferons bien de nous arrêter ici un moment.

— Nous arrêter ! s’écria Émilie avec surprise. Et pourquoi donc nous arrêter, monsieur Grimes ; que voulez-vous donc dire ?

— Allons, allons, dit-il, ne faites pas tant l’étonnée. Est-ce que vous m’avez bonnement cru assez oison pour prendre tant de peine pour rien ? Ah ! bien oui, je suis bien d’humeur à être comme ça le bardot des sottises des autres. Ce n’est pas, en vérité, que j’aie d’abord eu grande envie de vous, mais toutes vos petites façons suffiraient pour émoustiller mon grand-père ! Il n’y a pas de plus exquis morceau que celui qui coûte cher et vient de loin. Vous faisiez tant la difficile pour donner votre consentement, que M. Tyrrel a cru qu’il était plus sûr de vous le demander comme ça à la brune ; et, comme il m’a dit qu’il ne voulait pas qu’une pareille affaire