Page:Godwin - Caleb Williams, I (trad. Pichot).djvu/135

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— Fort bien ; mais qu’est-ce que cela fait ? Est-ce une raison pour vous opposer à son avancement ?

— Au contraire, vraiment ; que Votre Honneur ait la bonté de m’entendre. C’est peut-être un petit faible que j’ai, mais je ne sais qu’y faire. Mon père était un ecclésiastique, voyez-vous. Nous avons tous vécu avec honneur dans notre famille, et je ne puis penser sans peine que ce pauvre garçon, qui est tout ce qui me reste, s’aille mettre en service. Tenez, pour moi, je ne vois jamais qu’il y ait de domestique qui tourne à bien ; enfin, je ne sais, mais je ne voudrais pas que mon Léonard vînt à ressembler à ces gens-là. Si je leur fais injure, j’en demande pardon à Dieu ! mais c’est une affaire trop sérieuse, voyez-vous, et je ne peux pas aller risquer ainsi le bien-être de mon enfant quand j’ai le moyen, s’il plaît à Votre Honneur, de le garantir de donner dans le travers. À présent, le voilà sage et laborieux, et, sans trop s’en faire accroire, il sait assez bien ce qu’il vaut. C’est peut-être une sottise à moi de parler ainsi à Votre Honneur ; mais vous avez toujours été envers moi un bon maître, et je ne saurais vous mentir. »

M. Tyrrel avait écouté cette harangue jusqu’au bout sans dire un mot, parce que l’étonnement lui avait fermé la bouche. Si le tonnerre eût tombé à ses pieds, il n’aurait pas montré plus de surprise. Il avait imaginé que Hawkins, par excès de tendresse pour son fils, ne voulait pas l’éloigner un seul instant de lui ; mais il n’avait jamais soupçonné le moins du monde la vraie cause de ses refus.