Page:Godwin - Caleb Williams, I (trad. Pichot).djvu/136

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« Ah ! ah ! vous êtes un gentilhomme, n’est-ce pas ? Votre père était ecclésiastique ! Vos enfants ne sont pas faits pour entrer à mon service ! Comment donc, impudent faquin ! était-ce pour cela que je vous ai pris chez moi, quand votre insolence vous a fait chasser de chez M. Underwood ? J’ai donc nourri une vipère dans mon sein ? Ah ! ah ! le fils de monsieur courrait risque de déroger. Il sait trop ce qu’il vaut pour se mettre à mes ordres ! Allez, impertinent, éloignez-vous de mes yeux ! comptez bien que je n’aurai jamais de gentilshommes dans ma terre ; je n’en garderai pas un seul de votre espèce, entendez-vous ? Écoutez-moi bien, monsieur ; amenez ici demain matin votre fils et demandez-moi pardon de votre insolence, ou, pardieu, je vous en réponds, je vous rendrai si misérable qu’il vaudrait mieux pour vous n’être jamais né. »

Un pareil traitement était trop pour la patience de Hawkins.

« Il n’est pas nécessaire, dit-il, n’en déplaise à Votre Honneur, que je revienne demain pour cette affaire. J’ai bien pris ma résolution, et le temps n’y pourra rien changer. Je suis vraiment chagrin de déplaire à Votre Honneur, et je sais que vous pouvez me faire beaucoup de mal ; mais j’espère que vous n’aurez pas le cœur si dur que de perdre un pauvre père de famille pour le punir de trop aimer son enfant, quand même ce trop d’affection lui ferait faire quelque sottise ; mais je ne puis qu’y faire : Votre Honneur fera ce qu’il lui plaira. Le plus pauvre nègre, comme on dit quelquefois, a toujours quel-