Page:Godwin - Caleb Williams, I (trad. Pichot).djvu/178

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qu’on eût à se plaindre, à la bonne heure ; mais il s’attendait bien qu’il n’y avait là personne qui eût assez peu de discrétion et de savoir-vivre pour se mêler d’affaires qui ne le regardaient pas, et pour s’immiscer dans des intérêts particuliers de famille. »

Ces paroles ayant l’air d’un défi, différentes personnes s’avancèrent pour y répondre. Celui qui était le premier commença à parler ; mais M. Tyrrel, par l’expression de sa contenance, par un ton tranchant, par des mots jetés à propos, par des interruptions adroitement placées, le mit dans le cas d’hésiter d’abord et de finir par se taire. M. Tyrrel semblait marcher à grands pas au triomphe qu’il s’était promis. Toute la société était dans l’étonnement. On sentait toujours la même aversion pour sa personne et la même horreur pour son caractère ; mais on ne pouvait s’empêcher d’admirer l’audace et les ressources qu’il déployait dans cette conjoncture. L’indignation générale qu’il excitait ne demandait qu’à éclater, mais on avait besoin d’un chef.

Ce fut dans ce moment critique que M. Falkland parut dans la salle. Le hasard seul l’avait ramené plus tôt qu’il n’était attendu.

M. Tyrrel et lui rougirent tous les deux à la vue l’un de l’autre. Après une pause d’une minute, celui-ci s’avança vers M. Tyrrel, et lui demanda, d’une voix imposante : « Que venez-vous faire ici ?

— Ici ! que voulez vous dire par là ? J’ai autant de droit d’être ici que vous, et vous êtes le dernier à qui je daignerais rendre compte de ce que j’ai à faire.