Page:Godwin - Caleb Williams, I (trad. Pichot).djvu/179

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— Monsieur, vous n’avez aucun droit d’être ici. Ne savez-vous pas que vous en avez été exclu ? Quels que puissent être vos droits, il n’en est pas que votre infâme conduite ne vous ait fait perdre.

— Monsieur… comment vous appelle-t-on ? si vous avez quelque chose à me dire, il faut choisir un temps et un lieu plus convenables pour cela. Est-ce que vous croyez, à la faveur de la compagnie qui vous soutient, me faire supporter vos airs fanfarons ? Je ne les souffrirai pas, je vous en avertis.

— Vous vous trompez, monsieur, un lieu public comme celui-ci est le seul où je puis avoir quelque chose à vous dire. Si vous ne voulez pas être témoin de l’indignation générale qui s’élève contre vous, ne venez pas dans la société des hommes. Inhumain, impitoyable tyran ! songez à miss Melville. Pouvez-vous entendre prononcer ce nom et ne pas rentrer cent pieds sous terre. Pouvez-vous trouver une solitude où son ombre sanglante ne vienne vous poursuivre ? Pouvez-vous penser un moment à ses vertus, à sa pureté, à son innocence, à la candeur de son âme, sans être bourrelé de remords ? N’est-ce pas vous qui l’avez assassinée à la fleur de son âge ? Pouvez-vous soutenir la pensée qu’elle n’est plus qu’un cadavre insensible, cette victime de votre malice infernale ; celle qui méritait une couronne dix mille fois plus que vous ne méritez de vivre ? Et vous flattez-vous que jamais on oublie ou qu’on pardonne un forfait aussi atroce ?… Fuis, fuis, misérable ; regarde-toi comme trop heureux encore qu’il te soit permis d’éviter