Page:Godwin - Caleb Williams, I (trad. Pichot).djvu/183

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« Cette journée a été l’époque critique de la vie de M. Falkland. C’est de là que date cette mélancolie noire et insociable qui depuis s’est emparée de lui. Deux caractères ne peuvent pas contraster plus fortement, à certains égards, que M. Falkland avant ces événements et M. Falkland depuis. Jusqu’à ce moment, la fortune lui avait toujours souri ; son âme était confiante et exaltée, pleine de cette assurance, de cette présomption de soi-même et de ses facultés qu’une continuité de prospérités ne manque guère de produire. Les habitudes de sa vie étaient, il est vrai, celles d’une sorte de visionnaire dans le genre sublime, mais néanmoins elles le tenaient dans un état de paix et de contentement, au lieu que, depuis cette époque, sa fierté chevaleresque, son ardeur pour les hautes et brillantes aventures ont été totalement éteintes : d’un objet d’envie il est devenu un objet de pitié. La vie, dont il avait cueilli jusqu’alors les fruits les plus exquis, n’a plus été pour lui qu’un fardeau insupportable ; plus de ce contentement de soi-même, plus de ces transports, de cette joie intérieure qu’alimentait sans cesse la plus active bienfaisance ! Cet homme qui, plus que tout autre, avait mis toute son existence sous le charme des rêves les plus brillants de l’imagination, sembla dès lors n’avoir plus que des visions de douleur et de désespoir. Sa situation, sans doute, a dû inspirer le plus tendre intérêt, car, si la pureté et la droiture des intentions donnent des droits au bonheur, qui en avait plus à réclamer que M. Falkland ?

» Il s’était trop profondément imbu des idées