Page:Godwin - Caleb Williams, I (trad. Pichot).djvu/190

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ser une accusation de meurtre ? Tel est le malheur de ma position, que, quand même vous voudriez m’absoudre sans m’entendre, je ne pourrais l’accepter. Il faut que je réponde à une imputation dont la seule idée est mille fois plus cruelle pour moi que la mort. Il faut que j’appelle à moi toutes les facultés de mon âme pour éviter de me voir confondu avec les plus vils scélérats.

» Messieurs, c’est dans la situation où je me trouve placé qu’on peut permettre à un homme de parler de soi avec avantage. Situation maudite ! Ah ! que personne ne m’envie le triste et honteux triomphe que je vais remporter. Je n’ai pas appelé de témoins pour déposer sur ma réputation. Grand Dieu ! quelle réputation que celle qu’il faut soutenir par des témoins ? Mais, puisqu’il faut que je parle, regardez tout autour de cette assemblée, interrogez tous ceux qui sont présents ; interrogez vos propres cœurs ! Non, jamais, jamais un seul mot de défaveur n’a été proféré contre mon caractère. Le plus honorable témoignage doit venir de ceux qui m’ont connu de plus près ; je n’hésite pas à les invoquer.

» Une susceptibilité extrême sur tout ce qui peut toucher à l’honneur a été la première passion, la passion continuelle de ma vie. L’issue de cette journée m’est presque indifférente ; s’il ne s’agissait que de ma tête je n’ouvrirais pas la bouche. Votre décision n’aura jamais pouvoir de me rendre une réputation sans tache, de laver la honte dont je suis couvert, ni d’effacer de la mémoire