Page:Godwin - Caleb Williams, I (trad. Pichot).djvu/193

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que de voir un homme dont l’innocence est évidente pour tout le monde, ne sortir d’une telle épreuve qu’avec cette idée de déshonneur qu’y attache l’opinion commune. Il n’y avait personne qui entretînt l’ombre d’un doute sur ce fait, et cependant, par un concours accidentel de circonstances, il était devenu indispensable que le meilleur des hommes fût jugé publiquement, comme si réellement il eût été soupçonné d’un crime atroce. On ne peut disconvenir que M. Falkland n’eût ses défauts ; mais ces défauts mêmes le mettaient à une plus grande distance encore du crime dont il s’agissait. C’était une espèce de fou, mais le fou de l’honneur et de la gloire, un homme tellement attaché à la poursuite de la réputation, que rien ne pouvait l’en distraire un moment ; un homme qui aurait acheté au prix de plusieurs mondes la renommée d’un vrai héros, d’un vaillant et intrépide chevalier ; un homme qui ne soupçonnait pas qu’il existât d’autre malheur réel qu’une atteinte à son honneur. N’est-ce pas une absurdité révoltante de supposer qu’aucun motif soit capable de pousser un homme de cette trempe à descendre jusqu’au rôle d’un lâche assassin ? N’est-ce pas une extrême dureté de le contraindre à se défendre d’une pareille imputation ? Vit-on jamais un homme, et encore bien moins un homme aussi délicat sur l’honneur, passer en un moment, de la vie la plus pure, aux derniers excès de la dépravation humaine ?

» Quand la décision des magistrats fut prononcée, un murmure général d’applaudissement et de