Page:Godwin - Caleb Williams, I (trad. Pichot).djvu/194

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transports involontaires se fit entendre dans la salle. Il commença d’abord par un bruit sourd et confus, et par degrés s’éleva jusqu’à des cris de joie. Comme c’était la vive expression d’une émotion pure et désintéressée, il y avait dans le son même quelque chose d’impossible à décrire, qui pénétrait au fond du cœur et qui causait la sensation la plus délicieuse à tous les spectateurs de cette scène attristante. C’était à qui témoignerait le mieux toute son estime à l’aimable et respectable accusé. À peine M. Falkland se fut-il retiré, que les personnes les plus distinguées de cette assemblée résolurent de donner une sanction nouvelle à cette décision, par une expression formelle des sentiments de leur joie. Ils nommèrent sur-le-champ une députation pour se rendre à cet effet auprès de lui. Chacun voulut concourir pour sa part à ce témoignage spontané et universel qui s’élevait de toutes parts en faveur de l’accusé : ce fut une sorte de commotion sympathique qui gagna tous les rangs et toutes les classes de citoyens. La multitude salua M. Falkland avec des acclamations mille fois répétées ; elle détacha les chevaux de son carrosse, le traîna elle-même en triomphe, et l’accompagna pendant plusieurs lieues pour le reconduire à sa demeure. On eût dit qu’une instruction criminelle, qui jusqu’alors avait, dans tous les cas, passé pour une tache, était devenue, pour cette fois, une marque d’honneur signalée et une sorte d’apothéose. Rien de tout cela ne put adoucir la blessure de M. Falkland ; ce n’est pas qu’il fût insensible à tant de témoignages réitérés de