Page:Godwin - Caleb Williams, I (trad. Pichot).djvu/197

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bien, fût mis en jugement pour un meurtre dont lui-même était l’auteur.

» Depuis cette époque jusqu’à présent, M. Falkland a toujours été à peu près comme vous le voyez aujourd’hui. Quoiqu’il y ait déjà plusieurs années que ces événements se sont passés, l’impression qu’ils ont faite sur l’âme de notre malheureux maître est encore toute récente. Dès lors ses habitudes ont totalement changé. Jusque-là il avait aimé à se montrer sur la scène du monde et à jouer un rôle au milieu du cercle dans lequel il vivait. Depuis il a gardé une retraite austère ; il n’a plus eu ni société ni amis. Privé pour lui-même de toute consolation, il n’en a pas moins cherché à traiter les autres avec bonté. Il a pris dans son maintien une dignité triste, qui cependant est toujours accompagnée d’une extrême douceur et d’une politesse parfaite. Tout le monde le respecte, car sa bienfaisance est toujours la même ; mais il règne dans toutes ses manières une réserve et une froideur imposantes qui semblent interdire à ceux qui l’approchent toute communication familière et affectueuse. Tel est son état à peu près constant, si ce n’est à certaines époques où ses souffrances deviennent tout à fait insupportables et où il manifeste les symptômes de la plus furieuse démence. Dans ces moments de crise, ses paroles sont énigmatiques, et sa conduite toute mystérieuse et craintive ; il semble se figurer tour à tour toutes les espèces d’alarmes et de persécutions qu’une accusation de meurtre peut entraîner après elle. Mais, sentant bien son état, il ne cherche alors qu’à déro-