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Page:Godwin - Caleb Williams, I (trad. Pichot).djvu/205

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mon esprit, ou que mes questions et mes remarques fussent dirigées avec toute l’habileté d’un vieil inquisiteur blanchi dans le métier. La plaie secrète qui rongeait l’âme de M. Falkland était plus constamment présente à sa pensée qu’à la mienne ; et je l’ai vu mille fois, sur des remarques imprévues, se faire des applications à lui-même, que je n’avais pas moi-même la moindre idée de faire, et dont je n’étais averti que par l’altération soudaine de ses traits. D’un autre côté, M. Falkland sentait jusqu’à quel point sa sensibilité maladive pouvait influer sur son imagination, et vraisemblablement pour s’assurer si ces applications n’étaient pas un effet de sa propre prévention, il cherchait à revenir à la charge, et l’idée qui se présentait souvent à lui de mettre fin à la liberté de mon entretien lui faisait éprouver, par cette raison, une sorte de honte.

Je citerai un seul exemple de nos conversations ; et, comme je le choisis dans celles qui commençaient sur les matières les plus générales et les plus indifférentes, il sera facile au lecteur de se faire une idée de l’agitation et du trouble qu’endurait presque à toute heure une âme aussi facilement alarmée et aussi susceptible que celle de mon maître.

« Je vous prie, monsieur, lui dis-je un jour que l’aidais à mettre en ordre quelques papiers avant de les transcrire dans sa collection, dites-moi, comment Alexandre de Macédoine parvint-il à se faire surnommer le Grand ?

— Comment ! est-ce que vous n’avez jamais lu son histoire ?