Page:Godwin - Caleb Williams, I (trad. Pichot).djvu/219

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force des circonstances qui déposaient contre lui, si le véritable auteur n’était pas allé de lui-même se présenter au jury et prévenir la condamnation. »

En disant ceci, je touchais la corde sensible qui réveillait toutes ses douleurs. Il vint sur moi d’un air furieux, comme déterminé à m’arracher de force ma secrète pensée. Une sorte d’avertissement soudain parut lui faire changer d’idée ; il retourna en arrière avec un tremblement convulsif, en s’écriant : « Maudit soit mille fois le monde et les lois qui le gouvernent ! L’honneur, la vertu, la justice ! toutes jongleries de fripons ! J’abîmerais tout à l’heure l’univers entier dans le néant, si j’en avais le pouvoir.

— Ah ! monsieur, répliquai-je, les choses ne sont pas si mal que vous le supposez. Le monde a été fait pour que les sages le conduisissent à leur gré ; ses affaires ne peuvent être en de meilleures mains que dans celles des vrais héros ; et comme, au bout du compte, ce sont là les amis et les protecteurs naturels de la société, la multitude n’a qu’à les contempler, se régler sur eux et admirer. »

M. Falkland fit un grand effort pour recouvrer sa tranquillité. « Williams, dit-il, vous me donnez une excellente leçon. Vous avez des idées justes des choses, et j’augure très-bien de vous. Je veux être maître de moi ; je me dompterai, j’oublierai le passé et ferai mieux pour l’avenir. L’avenir ! l’avenir est toujours à nous.

— Je suis affligé, monsieur, de vous avoir fait de la peine. Je ne sais si je dois dire tout ce que je