Page:Godwin - Caleb Williams, I (trad. Pichot).djvu/220

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pense ; mais mon opinion est qu’à la fin tout s’éclaircira, que justice sera faite, et que la vérité se fera connaître, malgré toutes les fausses couleurs dont on aura voulu la couvrir. »

L’idée que je suscitais dans l’esprit de M. Falkland ne lui fut pas agréable. Il essuya une rechute d’un moment. « Justice, reprit-il entre ses dents ; je ne sais pas ce que c’est que justice. Mon mal est au delà des remèdes ordinaires ; peut-être est-il sans remède. Tout ce que je sais, c’est que je suis le plus malheureux des hommes. J’ai commencé ma vie avec les intentions les plus pures, avec le plus ardent amour de l’humanité, et me voici….. malheureux….. malheureux au delà de tout ce qu’on peut exprimer, de tout ce qu’il est possible de supporter. »

Après ces paroles, il se recueillit tout à coup en lui-même, et reprit sa morgue avec sa dignité ordinaires. « Comment cette conversation est-elle venue ? s’écria-t-il. Qui vous a donné le droit de vous faire mon confident ! Bas, artificieux serpent que vous êtes ; apprenez à vous comporter avec plus de respect. Suis-je fait pour que mes passions soient soulevées et apaisées au gré d’un insolent domestique ? M’avez-vous pris pour un instrument sur lequel vous pouviez jouer à plaisir, pour tâcher d’en exprimer tous les secrets de mon âme[1] ? Sortez, et craignez que je ne vous fasse payer cher votre folle témérité. »

Ces paroles étaient accompagnées d’une expres-

  1. Idée empruntée à Hamlet.