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Page:Godwin - Caleb Williams, I (trad. Pichot).djvu/225

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tarissable ! Est-ce dans l’état où je suis, plongé dans un abîme de misère, que vous deviez me choisir pour exercer sur moi votre insatiable curiosité et pour vous instruire dans l’art de tourmenter une âme ? N’est-ce pas assez que j’aie été déshonoré publiquement ? que je me sois vu arracher, par je ne sais quelle puissance infernale, la seule ressource qui me restât pour venger mon honneur ? Non, pour surcroît d’infortune, j’ai été accusé d’avoir, dans ce moment critique, prévenu moi-même ma vengeance par le plus noir de tous les crimes. Tout cela est passé. Le malheur qui me poursuit n’avait rien à me réserver de plus cruel, si ce n’est la peine que vous m’avez infligée en paraissant douter de mon innocence, ce qu’après l’examen le plus approfondi et le plus solennel, personne n’avait encore osé faire. Vous m’avez forcé à en venir à cette explication ; vous avez arraché de mon sein une confidence que je n’étais pas disposé à en laisser sortir. Mais c’est encore une partie des maux de ma déplorable destinée, d’être à la merci du dernier des hommes, quel qu’il soit, qui se sentira disposé à se jouer de ma détresse. Soyez satisfait ; vous m’avez mis assez bas.

— Ah ! monsieur ! je ne suis pas satisfait ; je ne puis pas être satisfait. Je ne puis supporter l’idée de ce que j’ai osé faire. Je n’aurai jamais le front de regarder en face le meilleur des maîtres et le meilleur des hommes. Je vous le demande comme une grâce, monsieur, renvoyez-moi de votre service, afin que j’aille me cacher pour jamais loin de vos yeux. »

L’air de M. Falkland avait été extrêmement sévère