Page:Godwin - Caleb Williams, I (trad. Pichot).djvu/239

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s’acharner à faire peur à une femme ? L’autre avait répliqué d’un ton insultant : « Eh bien, il faut que cette femme cherche quelqu’un en état de la défendre ; les gens qui se lient avec de mauvais sujets, et qui se fient sur eux, méritent ce qui leur arrive. » L’accusé avait essayé tous les moyens possibles de prévenir une querelle ; à la fin, il avait perdu patience, la colère s’était emparée de lui, il avait défié son adversaire. Le défi avait été accepté ; on avait fait un cercle[1] ; il avait remis sa maîtresse aux soins de l’un des assistants, et malheureusement le premier coup qu’il avait porté avait été mortel.

L’accusé ajouta qu’il ne se souciait guère de ce qui arriverait de lui. Son vœu le plus cher avait été de passer sa vie sans faire mal à personne, et voilà que ses mains étaient teintes de sang. Tout ce qu’il pouvait dire, c’est qu’on lui rendrait service de le débarrasser de la vie le plus tôt possible, car sa conscience ne lui laisserait pas un moment de repos ; que tant qu’il vivrait il aurait sans cesse devant les yeux l’image de ce mort, tel qu’il l’avait vu étendu sans mouvement à ses pieds. Que cet homme, qui était plein de santé et de vigueur, eût été le moment d’après levé de terre comme une masse froide et insensible, et tout cela par son fait, c’était une pensée trop affreuse pour qu’il pût la supporter. Il avait aimé de tout son cœur la pauvre

  1. La loi du pugilat est tellement sacrée en Angleterre, qu’au moindre défi un cercle se forme entre les deux boxeurs, qu’on laisse se battre jusqu’à ce que l’un des deux tombe mort ou demande grâce.