Page:Godwin - Caleb Williams, I (trad. Pichot).djvu/242

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kins étaient innocents ! j’en suis sûr ! je parierais ma vie ! tout est dit, tout est découvert ! coupable, coupable, sur mon âme ! »

Tandis que je marchais ainsi à pas précipités le long des allées les plus écartées, et que de temps en temps je donnais carrière au tumulte de mes pensées par des exclamations involontaires, il me semblait sentir s’opérer dans toute ma machine une révolution complète. Mon sang bouillonnait dans mes veines. J’éprouvais une espèce de transport que je ne pouvais définir. Quoique agité des plus vives émotions, je me sentais plus de dignité et d’importance, en même temps que j’étais plein d’énergie et brûlant d’indignation. Au milieu de la tempête de toutes ces passions, il me semblait que mon âme jouissait du calme le plus ravissant. Je ne saurais mieux exprimer l’état où je me trouvais en ce moment, qu’en disant que je n’avais jamais si parfaitement goûté la vie.

Cet état d’exaltation mentale dura pendant plusieurs heures ; mais à la fin il s’apaisa, et fit place à la réflexion. Une des premières questions qui se présentèrent alors à moi fut celle-ci : Que vais-je faire de cette connaissance que j’ai eu tant de désir d’acquérir ? Je n’avais pas l’envie de devenir un délateur ; je sentais ce dont je n’avais eu auparavant aucune idée, c’est qu’il était possible d’aimer un meurtrier, et même, comme je le jugeais alors, le plus criminel des meurtriers. Je trouvais que c’était le dernier degré de l’absurdité et de l’injustice de perdre un homme fait pour rendre à l’humanité les