Page:Godwin - Caleb Williams, I (trad. Pichot).djvu/249

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promptitude dont les événements humains n’offrent presque pas d’exemple.

J’ai toujours été embarrassé de me rendre raison du mouvement qui m’entraîna ainsi à une action aussi monstrueuse. C’était une sorte de puissance secrète et sympathique. Par les lois de la nature, un sentiment se perd dans un autre du même caractère. C’était la première fois que j’étais témoin des dangers d’un incendie. Tout était confusion autour de moi, et tout contribuait à jeter le désordre dans ma tête. Mon peu d’expérience me faisait regarder la situation générale comme tenant du désespoir, et, par contagion, le désespoir s’était aussi emparé de moi. D’abord j’avais paru, jusqu’à un certain point, calme et recueilli ; mais c’était encore de ma part un effort de désespoir ; et, quand il fut épuisé, une sorte de démence instantanée lui avait succédé.

J’avais maintenant tout à craindre, et pourtant quel était mon crime ? Il ne provenait d’aucun de ces mobiles qui excitent à juste titre l’aversion des hommes ; ce n’était ni la soif des richesses, ni celle du pouvoir, ni la satisfaction des sens qui m’avaient fait agir. Mon cœur ne renfermait pas la moindre étincelle de malignité. J’avais toujours eu de la vénération pour l’âme sublime de M. Falkland ; j’en avais encore. Une soif inconsidérée d’apprendre constituait toute mon offense. Cette offense toutefois était de nature à n’admettre ni rémission ni grâce. Cette cruelle époque a été la crise de ma destinée ; c’est elle qui sépare ce que je pourrais appeler la partie offensive de ma vie d’avec cette défensive