put s’empêcher de remarquer dans mon air quelque chose d’étrange qui annonçait de l’inquiétude et du chagrin, et il m’en demanda affectueusement la cause. Je cherchai à éluder ses questions, mais ma jeunesse et mon peu d’expérience du monde ne pouvaient que me trahir. D’ailleurs, j’étais habitué à regarder M. Collins comme une personne digne de tout mon attachement et de toute ma confiance ; il me sembla que, vu la position où il était, il y avait peu d’inconvénient à le prendre pour mon confident. Je lui racontai dans le plus grand détail tout ce qui s’était passé, et je terminai par une ferme déclaration que, bien que j’eusse été la victime d’un véritable caprice, je n’étais nullement inquiet pour mon propre compte ; qu’aucun danger, aucune considération d’intérêt personnel ne me ferait jamais faiblir dans ma conduite ; mais que j’étais uniquement touché du sort de mon malheureux maître, qui, au milieu de tous les avantages faits pour conduire au bonheur et avec tout ce qui peut en rendre digne, me paraissait livré à un état de souffrance non mérité.
M. Collins, pour répondre à cette communication, m’apprit quelques autres incidents de même nature venus aussi à sa connaissance, et il me dit que de tout cela il ne pouvait guère s’empêcher de conclure que notre infortuné maître avait de temps en temps l’esprit un peu dérangé. « Hélas ! ajouta-t-il, il n’a pas toujours été de même. Ferdinando Falkland fut autrefois le plus gai des hommes ; non pas qu’il eût cette gaieté désordonnée qui n’inspire