Page:Godwin - Caleb Williams, I (trad. Pichot).djvu/24

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

que je souffrirai impunément que vous veniez guetter ainsi toutes mes actions ? » Je cherchai à me défendre. « Va-t’en, démon d’enfer ! s’écria-t-il : sors d’ici, ou je vais t’écraser sous mes pieds. »

En parlant ainsi, il s’avança sur moi ; mais j’étais déjà assez effrayé, et je disparus bien vite. J’entendis la porte se refermer avec violence. Ainsi finit cette scène extraordinaire.

Le soir je revis M. Falkland : il me parut assez bien remis ; ses manières, qui étaient toujours affables, furent alors beaucoup plus attentives et plus caressantes ; on aurait dit qu’il avait sur le cœur quelque chose dont il voulait se débarrasser, mais qu’il manquait de paroles pour l’exprimer. Je le regardai avec un air mêlé d’inquiétude et d’affection. Il fit plusieurs efforts pour parler, mais sans succès ; il secoua la tête, et puis me mettant cinq guinées dans la main, il me la pressa d’une manière qui me révélait que son âme était agitée d’émotions contradictoires, mais qu’il m’était impossible alors d’interpréter. Presque aussitôt d’ailleurs je le vis se recueillir en lui-même et se retrancher dans sa réserve et sa solennité habituelles.

Je compris bien que le secret était une des choses qu’il attendait de moi : en effet, j’avais l’esprit trop disposé à méditer sur ce que j’avais vu et entendu pour aller indiscrètement le communiquer à d’autres. Toutefois il se trouva que ce soir même je soupai avec M. Collins, ce qui arrivait rarement, parce que ses affaires le retenaient souvent dehors. Il ne