Page:Godwin - Caleb Williams, I (trad. Pichot).djvu/282

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s’accroche au moindre roseau. Je me dis à moi-même que plus cette tranquillité devait être d’une courte durée, plus il fallait se hâter d’en profiter. Je ne pouvais pas supporter l’idée que ce serait peut-être par faute d’activité ou de hardiesse de ma part que mes craintes viendraient à se réaliser. En un mot, par la raison même que je redoutais déjà la vengeance de M. Falkland, je pris la résolution de risquer la possibilité de la rendre encore plus implacable et de terminer tout d’un coup mes affreuses incertitudes. Ajoutez que j’avais déjà fait part à M. Forester de la position où j’étais, et qu’il m’avait donné une assurance positive de sa protection. Cette pensée revenait volontiers à mon esprit, qui y puisait encore de l’encouragement et de la consolation dans ma situation désespérée. Poussé par ces réflexions, je me mis à écrire la lettre suivante à M. Falkland, sans penser que s’il méditait contre moi quelque vengeance tragique, une semblable lettre ne pouvait que l’y exciter encore davantage :


« Monsieur,

» J’ai formé le projet de quitter votre service ; c’est une mesure que nous devons tous les deux désirer. Alors je redeviendrai, comme il est juste, maître de mes actions ; et vous, vous serez délivré de la présence d’une personne dont vous ne supportez la vue qu’avec répugnance.

» Pourquoi voudriez-vous m’assujettir à une punition éternelle ? Pourquoi voudriez-vous étouffer