Page:Godwin - Caleb Williams, I (trad. Pichot).djvu/297

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ne suffisait pas pour accabler mon courage. Mon caractère semblait subir une révolution complète. Quelque timide, quelque embarrassé que j’eusse été quand je regardais M. Falkland comme mon ennemi secret, je comprenais que les circonstances étaient totalement changées. « Falkland, me dis-je, accuse-moi ouvertement : si nous devons lutter ensemble, que ce soit à la face du jour ; et, quelque redoutables que soient tes armes, je ne te crains pas ! »

L’innocence et le crime me paraissaient les deux choses du monde les plus opposées. Je ne pouvais me persuader que la première pût jamais être confondue par l’autre, à moins que l’innocent ne fût trahi par son propre courage. Un des rêves favori de ma jeunesse était la vertu supérieure à la calomnie, déjouant par sa simplicité franche les artifices du vice, et faisant retomber sur son adversaire toute la honte dont il avait espéré la couvrir. J’étais décidé à ne pas contribuer à la perte de M. Falkland, mais je ne l’étais pas moins à obtenir moi-même justice.

Je vais raconter le résultat de cette confiance ; et ce fut avec cette candeur généreuse que je me précipitai dans une ruine complète.

« Ami, dis-je au porteur de la lettre après un long silence, vous avez raison. Vous m’avez remis une lettre bien extraordinaire, en vérité ; mais certainement je vous suivrai, quelles qu’en soient les conséquences. Jamais personne ne pourra jeter de blâme sur moi, tant qu’il sera en mon pouvoir de me justifier. »