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Page:Godwin - Caleb Williams, I (trad. Pichot).djvu/34

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d’une manière irrésistible à justifier la précipitation de sa conduite envers Lucretia, en prenant pour une chose convenue et hors de doute que Falkland était son heureux rival.

M. Falkland était chez lui. Les premiers mots du comte furent l’accusation de duplicité et une provocation en duel. L’Anglais avait une sincère estime pour Malvesi, qui était vraiment un homme de beaucoup de mérite, et qui avait été une des premières connaissances de Falkland en Italie, car ils s’étaient d’abord rencontrés à Milan. Mais une chose le frappa plus vivement encore, et ce fut la conséquence qu’un duel pouvait avoir dans la circonstance. Quoiqu’il n’eût pour Lucretia aucun sentiment d’amour, il avait conçu pour elle une très-haute estime, et il savait d’ailleurs que, malgré tous les déguisements de sa fierté, elle avait au fond du cœur de la tendresse pour le comte. Il ne pouvait soutenir l’idée d’avoir, par une indiscrétion dans sa conduite, porté atteinte au bonheur d’un couple aussi bien assorti. Il essaya donc d’entrer en explication, mais tous ses efforts furent inutiles. Son adversaire, dominé par la colère, ne voulait pas écouter le moindre mot qui pût arrêter son emportement. Il traversait la chambre à grands pas et l’écume à la bouche. M. Falkland, voyant qu’il n’était pas possible de le détromper, dit au comte que, s’il voulait revenir le lendemain à la même heure, il l’accompagnerait au lieu qu’il jugerait à propos de choisir.

En quittant le comte Malvesi, M. Falkland courut au palais Pisani ; là il lui fut bien difficile d’a-