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III


Du moment où M. Falkland entreprit l’exécution de ce projet, probablement dicté par un principe de devoir, il put dater le cours de ses malheurs. Dans tout ce qui me reste à raconter de son histoire, on verra une fatale destinée s’attachant sans relâche à le poursuivre ; une suite d’aventures qui prennent leur source dans divers accidents, mais qui toutes paraissent tendre au même but. Elles l’ont accablé de cette douleur qu’il était de tous les hommes le moins propre à supporter. Cette destinée n’a pas fait tomber sur lui seul sa funeste amertume ; d’autres ont senti l’atteinte de ses poisons : et, de toutes les victimes qu’elle a faites, c’est moi qui suis la plus infortunée.

Celui qui fut la première origine de cette chaîne de calamités était un gentilhomme nommé Barnabas Tyrrel, le plus proche voisin de M. Falkland, et son égal en titres et en fortune. À voir cet homme, on aurait dû croire, d’après son éducation première et toutes les habitudes de sa vie, qu’il était l’être le moins propre et le moins disposé à contrarier les jouissances d’un esprit aussi richement doué que celui de M. Falkland. M. Tyrrel eût pu passer pour un type des squires anglais. Il était resté de très-bonne heure sous la tutelle de sa mère, femme d’un esprit fort étroit et qui n’avait d’autre enfant que