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Page:Godwin - Caleb Williams, I (trad. Pichot).djvu/44

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s’étaient pas encore révoltés, ce n’était que faute d’avoir pu trouver un chef. Les femmes mêmes regardèrent M. Falkland avec une complaisance particulière. La politesse de ses manières était parfaitement en harmonie avec la délicatesse de leur sexe. Ses saillies l’emportaient de beaucoup sur celles de M. Tyrrel par une portée plus grande et plus de variété ; ajoutez à cela qu’elles étaient toujours réglées et adoucies par le bon goût d’un esprit cultivé. Les agréments de sa personne étaient relevés par les grâces et l’élégance de toutes ses manières ; la bonté et la noblesse de son caractère se manifestaient dans toutes les occasions. C’était, il est vrai, une qualité commune à M. Tyrrel et à M. Falkland d’être fort peu accessibles à la timidité et à l’embarras ; mais cette qualité, M. Tyrrel la devait à une effronterie contente d’elle-même et à un verbiage tranchant dont il avait coutume d’accabler ses adversaires, tandis que M. Falkland, avec un esprit noble et franc, savait à merveille, par sa grande connaissance du monde et une juste appréciation de ses propres ressources, juger en un instant ce qu’il devait faire pour en tirer parti.

M. Tyrrel voyait avec dépit et inquiétude les progrès de son rival. Il en raisonnait souvent avec ses confidents particuliers comme d’une chose impossible à concevoir et à expliquer. Il dépeignait M. Falkland comme un être au-dessous même du mépris. « Selon lui, Falkland, avec sa taille de nain, aurait voulu changer toutes les proportions de l’espèce humaine, et persuader aux gens que l’homme