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IV


Ce n’est là qu’un exemple des petites mortifications sans nombre que M. Tyrrel était condamné à endurer de la part de M. Falkland, et qui semblaient se multiplier tous les jours. Dans chacune de ces occasions, M. Falkland se comportait avec une convenance si parfaite, et avec une douceur de caractère si franche et si naturelle, qu’il ajoutait toujours quelque chose à la réputation qu’il s’était acquise. Plus M. Tyrrel se débattait contre la destinée qui l’entraînait, plus elle se précipitait et devenait évidente. Il maudissait mille fois sa mauvaise étoile qui s’était plu, selon lui, à choisir ce Falkland pour l’instrument continuel de ses humiliations. Exaspéré par une suite d’incidents fâcheux qui tournaient tous à sa confusion, il ressentait de la manière la plus cruelle les moindres succès de son rival, même là où personnellement il n’avait pas lui-même la plus légère prétention. Il s’en présenta bientôt un exemple.

M. Clare, ce poëte célèbre, dont les ouvrages seront l’honneur immortel du pays qui lui a donné naissance, était venu depuis peu dans ce canton, pour y jouir de sa petite fortune et de sa gloire, après une longue vie consacrée aux plus sublimes productions du génie. Un homme d’un mérite aussi rare n’était vu qu’avec une sorte de vénération par