Page:Godwin - Caleb Williams, I (trad. Pichot).djvu/59

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— Rien n’est plus aisé, monsieur, que de nous susciter une affaire. Si c’est là ce que vous voulez, n’ayez pas peur que les occasions vous manquent.

— Dieu me damne, je crois que vous êtes venu ici pour me braver.

— Monsieur Tyrrel ! monsieur… prenez garde !…

— Quoi, monsieur ? Entendez-vous me menacer ? De par tous les diables, que me voulez-vous ? qu’êtes-vous venu faire ici ? »

Les manières brutales de M. Tyrrel rendirent à M. Falkland tout son sang-froid.

« J’ai tort, reprit-il, je l’avoue. Je n’ai que des intentions pacifiques, et c’est ce qui m’a fait prendre la liberté de venir vous voir. Quel que puisse être mon ressentiment dans d’autres circonstances, je dois me vaincre en ce moment.

— Ah ah !… Eh bien, monsieur ! qu’avez-vous donc de plus à me dire ?

— Monsieur Tyrrel, poursuivit M. Falkland, vous vous imaginerez sûrement bien que le sujet qui m’a amené ici n’est pas une bagatelle. Je ne serais pas venu chez vous sans de très-fortes raisons. Ma démarche seule vous est un sûr garant que je suis profondément convaincu de l’importance de ce que j’ai à vous dire.

» Nous sommes à l’égard l’un de l’autre dans une situation des plus critiques : nous sommes tout près d’un tourbillon qui, s’il nous entraîne une fois, ne nous laissera plus le temps de la réflexion. Un malheureux esprit de jalousie semble s’être glissé entre nous deux ; je ne désire rien tant que de l’éloigner,