Page:Godwin - Caleb Williams, I (trad. Pichot).djvu/88

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précipite dans ses bras avec la rapidité de l’éclair ; entraînée par une impulsion trop forte pour admettre aucune réflexion, elle s’attache à lui et le serre étroitement ; son émotion était impossible à peindre : ce peu d’instants avait équivalu pour elle à un siècle d’amour.

En un moment on vit reparaître M. Falkland dans la rue avec ce précieux fardeau entre ses bras. Après avoir ainsi arraché Émilie à une mort affreuse, dont personne autre que lui n’eût osé la délivrer, et après l’avoir remise entre les mains de sa tendre protectrice, il retourne à sa première tâche. Par sa présence d’esprit, par son infatigable humanité, par ses efforts sans relâche, il sauva de la destruction les trois quarts de ce village.

Enfin, l’incendie commençant à céder, M. Falkland revint trouver Mrs. Jakeman et Émilie. Il fit voir la sollicitude la plus tendre pour la santé de la jeune miss, et donna ordre à Collins d’aller avec toute la diligence possible chercher sa voiture pour la reconduire. Il s’écoula plus d’une heure dans l’intervalle. Miss Melville n’avait jamais eu l’occasion de voir si bien M. Falkland ; et le spectacle de tant d’humanité, de générosité, de courage et de justice, de tant de vertus réunies enfin dans un homme, était aussi nouveau que séduisant pour elle. Elle éprouvait aussi une secrète confusion en songeant à la manière dont elle avait agi au moment où M. Falkland était venu à son secours ; et ce trouble, joint à ses autres émotions, y ajoutait un charme qui les portait jusqu’à l’ivresse.