Aller au contenu

Page:Godwin - Caleb Williams, I (trad. Pichot).djvu/91

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

accoutumé à la traiter avec douceur ; Émilie, de son côté, était disposée à lui obéir aveuglément et sans résistance ; ainsi il ne lui était pas difficile de la faire taire ; mais le moment d’après, à la première occasion, son thème favori revenait malgré elle sur ses lèvres. L’obéissance était chez elle la soumission d’un cœur bon et simple ; mais c’eût été la chose du monde la plus difficile que de la lui inspirer par la crainte : elle, qui n’aurait pas fait de mal à un ver de terre, ne pouvait pas s’imaginer que personne conçût des sentiments de rancune et de méchanceté contre elle. Par caractère, elle n’était jamais dans le cas de disputer avec obstination contre les personnes sous la dépendance desquelles elle était placée ; et, comme elle cédait sans hésiter, elle n’avait jamais eu de traitement sévère à éprouver. Les réprimandes de M. Tyrrel, au seul nom de Falkland, devenant plus marquées, miss Melville se tint davantage sur ses gardes. Elle s’arrêtait tout à coup quand elle se surprenait à dire des phrases à demi commencées à sa louange. Ce genre de précaution produisait nécessairement un très-mauvais effet. C’était une satire mordante de la faiblesse de son parent. Quelquefois, dans ce cas-là, elle hasardait, d’un air libre et enjoué, quelques mots d’explications : « Mon cher cousin ! en vérité, je ne conçois rien à votre humeur ! sûrement M. Falkland vous rendrait tous les services du monde… ; » mais tout à coup quelque geste d’impatience et d’humeur farouche la forçait de se taire.

À la fin cependant elle vint à bout de se corriger