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Page:Godwin - Caleb Williams, I (trad. Pichot).djvu/99

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tête des visions inconcevables qui finiraient par la perdre tout à fait. Vous pourriez peut-être me dire où elle les a prises ; mais, que cela vienne d’où l’on voudra, il est bien temps de s’en occuper. Les plus courts chemins sont les meilleurs, et il faut prendre les choses où elles en sont, avant qu’il y ait plus de mal de fait ; en un mot, je suis déterminé à lui faire épouser ce garçon. Vous n’avez jamais ouï dire de mal de lui, n’est-ce pas ? Vous avez beaucoup de crédit sur elle, et je désire que vous vous en serviez pour l’amener à son bien ; c’est ce que vous pouvez faire de mieux, entendez-vous ? C’est une petite fille très-décidée, je vous en avertis ; il ne faudrait pas grand’chose pour lui faire faire des sottises, et puis elle finirait par tomber dans le désordre et la misère si je ne prenais pas toutes les peines du monde pour empêcher sa ruine. Je veux faire d’elle la femme d’un honnête fermier, et ma jolie miss ne peut seulement pas en soutenir la pensée ! »

L’après-midi, Grimes vint se présenter à l’heure convenue, et on le laissa seul avec Émilie.

« Eh bien, miss, dit-il, il paraît que M. Tyrrel a envie de nous faire mari et femme. Pour ma part, je ne peux pas dire que j’y aie songé ; mais, puisque tant est que le squire a rompu la glace, ma foi, si le marché vous convient, vous avez trouvé votre homme. Vous n’avez qu’une parole à dire ; à bon entendeur demi-mot ; il ne faut que toucher un cheval aveugle pour le faire aller. »

Émilie n’était déjà que trop mortifiée de la proposition inattendue de M. Tyrrel. Elle se trouva