Page:Goethe-Nerval - Faust 1828.djvu/23

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Maintenant, pauvre fou, si cela vous amuse,
Prostituez-leur donc l’honneur de votre muse.....
Non !..... mais je le répète, et croyez mes discours,
Donnez-leur du nouveau, donnez-leur-en toujours ;
Agitez ces esprits qu’on ne peut satisfaire.....
Mais, qu’est-ce qui vous prend ? est-ce extase… colère ?…

LE POÈTE.

Va ! cherche un autre esclave, ou garde tes avis :
J’aurais trop à rougir de les avoir suivis.
Faut-il donc, à ton sens, faut-il que le poète,
Dont Dieu même, ici-bas, se fit un interprète,
Aille, déshonorant ce titre précieux,
Répudier les dons qu’il a reçus des cieux ?.....
Comment les cœurs à lui viennent-ils se soumettre ?
Comment, des éléments, dispose-t-il en maître ?
N’est-ce point par l’accord, dont le charme vainqueur
Reconstruit l’univers dans le fond de son cœur ?
Tandis que la nature à ses fuseaux démèle
Tous les fils animés de sa trame éternelle,
Quand tant d’êtres divers, en tumulte pressés,
Achèvent tristement les siècles commencés ;
Qui sait, de leur matière exprimant le génie,
L’échauffer, l’animer, l’entourer d’harmonie ?
Dans l’ordre universel, qui sait faire rentrer
Les mortels qu’un instant l’erreur put égarer ?
Qui sait, par des accens plus tendres et plus sages,
Des passions en eux apaiser les orages,
Et dans des cœurs flétris par les coups du destin,