Page:Goethe-Nerval - Faust Garnier.djvu/224

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biner les gaz, les fluides et les plus purs éléments de la matière, il est parvenu à concentrer dans une fiole le mélange précis où doit éclore le genre humain. De ce moment, la femme devient inutile ; la science est maîtresse du monde… Mais, au moment où déjà la flamme reluit au fond de la fiole, Méphistophélès entre brusquement.

— Silence ! arrêtez-vous, dit Vagner.

— Qu’y a-t-il ?

— Un homme va se faire.

— Un homme ? Vous avez donc enfermé des amants quelque part ?

— Bon ! dit Vagner : une femme et un homme, n’est-ce pas ? C’était là l’ancienne méthode ; mais nous avons trouvé mieux. Le point délicat d’où jaillissait la vie, la douce puissance qui s’élançait de l’intérieur des êtres confondus, qui prenait et donnait, destinée à se former d’elle-même, s’alimentant des substances voisines d’abord, et ensuite des substances étrangères, tout ce système est vaincu, dépassé ; et, si la brute s’y plonge encore avec délices, l’homme doué de plus nobles facultés doit rêver une plus noble et plus pure origine…

En effet, cela monte et bouillonne ; la lueur devient plus vive, la fiole tinte et vibre, un petit être se dessine et se forme dans la liqueur épaisse et blanchâtre ; ce qui tintait prend une voix. Homonculus, dans sa fiole, salue son père scientifique. Il se réjouit de vivre, et craint seulement que le père, en l’embrassant, ne brise trop tôt son enveloppe de cristal : c’est là la loi des choses. Ce qui est naturel s’étend dans toute la nature ; mais le produit de l’art n’occupe qu’un espace borné.

Homonculus salue aussi le diable, qu’il appelle son cousin, et lui demande sa protection pour vivre dans le monde. Le diable lui conseille de donner tout de suite une preuve de sa vitalité. Homonculus s’échappe des mains de Vagner, et s’en va voltiger sur le front de Faust, endormi. Là, il semble prendre part au rêve que fait le docteur dans ses aspirations vers la beauté antique ; il assiste avec lui à l’image de la naissance d’Hélène. Léda se baigne sous de