tout, où sur le cep la vigne verdit. Là, tous les jours, à chaque heure, la passion du vigneron nous fait voir le résultat heureux de son labeur plein d’amour ; tantôt avec la hache, tantôt avec la bêche, tantôt en amoncelant, en coupant, en rattachant ; il prie tous les dieux, mais avant tous le dieu du soleil. Bacchus le doucereux se soucie peu du fidèle serviteur ; il repose dans les feuillages ; il s’appuie dans les cavernes, folâtrant avec le plus jeune des faunes. Tout ce dont il a besoin pour la douce ivresse reste toujours préparé pour lui dans les antres, remplissant les cruches et les vases conservés à droite et à gauche, au fond de ces caves éternelles. Mais, lorsque tous les dieux, lorsque Hélios, avant tout, en formant de l’air, en créant des vapeurs, en chauffant, en brûlant, ont amoncelé la corne d’abondance des grains, où travaillait le silencieux vendangeur, aussitôt tout s’anime encore, et chaque feuillage remue ; un bruit sourd se fait entendre de cep à cep. Des corbeilles craquent, des seaux clapotent, des hottes gémissent de toutes parts vers la grande cuve, pour la danse vigoureuse des vignerons. Et c’est ainsi qu’on foule furieusement aux pieds la sainte abondance des grains pleins de sève. Écumant et vomissant, tout s’entremêle, hideusement broyé. Et maintenant retentissent dans l’oreille les sons d’airain des cymbales et des bassins. Car Dionysos a dépouillé le voile de ses mystères. Il se montre avec ses satyres et leurs femelles chancelantes, et l’animal aux longues oreilles de Silénus vient à travers, avec son ton rauque et criard. Rien n’est ménagé ; des animaux à pied fourchu foulent aux pieds toute pudeur : tous les sens tournent comme dans un tourbillon ; l’oreille est horriblement étourdie. Les hommes ivres tâtonnent après les coupes, les têtes, les ventres sont pleins. L’un ou l’autre résiste encore ; mais il ne fait qu’augmenter le tumulte ; car, pour faire place au vin nouveau, on vide rapidement les outres des vieilles vendanges.