manière des Grecs, sans rime, mais avec le rhythme ancien ; il ne se contenta pas de l’invention de l’hexamètre, il alla plus loin et composa dans cette forme un grand nombre de poésies ; mais cette réforme fut peu goûtée. Plus heureux dans ses pensées que dans sa forme, il donna à la poésie moderne une inspiration à la fois religieuse et nationale, « la faisant toucher, suivant l’expression de Schlegel, d’une main au christianisme, et de l’autre à la mythologie du Nord, comme aux deux éléments principaux de toute culture intellectuelle et de toute poésie européenne moderne. » Aussi la sensation que produisit en Allemagne l’apparition de la Messiade fut-elle prodigieuse : l’histoire littéraire de tous les peuples offre peu d’exemples d’un succès aussi éclatant ; c’était un de ces ouvrages que chacun regarde comme la réalisation de tous ses vœux, de toutes ses espérances en littérature, et qui remettent à l’école tous les écrivains d’un siècle. De sorte que rien ne manqua au triomphateur, pas même les insultes des esclaves : toutes les coteries, toutes les écoles littéraires, dont ce succès ruinait totalement les principes et la poétique, fondirent avec fureur sur le jeune étudiant qui se trouvait être soudain le premier et même le seul poëte de l’Allemagne. Mais, au sein de toute cette gloire, Klopstock avait à peine de quoi vivre, et se voyait forcé d’accepter l’offre d’un de ses parents, nommé Weiss, qui lui proposait de faire l’éducation de ses enfants. Il se rendit chez lui à Langensalza, et là, se prit d’une passion malheureuse pour la sœur de son ami Schmied. Cette jeune fille, qu’il appelle Fanny dans ses poésies, honorait le poëte presque comme un dieu, mais le refusa constamment pour époux. Il tomba alors dans une mélancolie qui dura longtemps ; cependant, ses études littéraires et ses voyages finirent par l’en guérir si bien, qu’il épousa, en 1754, Marguerite Moller, une de ses admiratrices les plus passionnées.
Or, ce fut là la plus belle époque de sa vie, il terminait les dix premiers chants de la Messiade, et composait ses plus belles odes ; mais, depuis la mort de sa femme, arrivée