Page:Goethe-Nerval - Faust Garnier.djvu/387

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jamais ; toi qui n’ajoutes à l’édifice éternel qu’un grain de sable sur un grain de sable, mais qui sais dérober au temps avare des minutes, des jours et des années !




LA BATAILLE


Telle qu’un nuage épais et qui porte une tempête, la marche des troupes retentit parmi les vastes campagnes ; une plaine immense s’offre à leurs yeux, c’est là qu’on va jeter les dés d’airain. Tous les regards sont baissés, le cœur des plus braves palpite, les visages sont pâles comme la mort ; voilà le colonel qui parcourt les rangs ; « Halte ! » Cet ordre brusque enchaîne le régiment, qui présente un front immobile et silencieux.

Mais qui brille là-bas sur la montagne aux rayons pourprés du matin ? « Voyez-vous les drapeaux ennemis ? — Nous les voyons ! que Dieu soit avec nos femmes et nos enfants, — Entendez-vous ces chants, ces roulements de tambours, et ces fifres joyeux ? Comme cette belle et sauvage harmonie pénètre tous nos membres et parcourt la moelle de nos os ! Frères, que Dieu nous protège… Nous nous reverrons dans un autre monde ! »

Déjà un éclair a lui le long de la ligne de bataille ; un tonnerre sourd l’accompagne, l’action commence, les balles sifflent, les signaux se succèdent… Ah ! l’on commence à respirer !

La mort plane, le sort se balance indécis… Les dés d’airain sont jetés au sein de la fumée ardente !

Voilà que les deux armées se rapprochent : « Garde à vous ! » crie-t-on de peloton en peloton. Le premier rang plie le genou et fait feu… il en est qui ne se relèveront pas. La mitraille trace de longs vides ; le second rang se trouve le premier… À droite, à gauche, partout la mort : que de légions elle couche à terre !

Le soleil s’éteint, mais la bataille est toute en feu ; la