Page:Goethe-Nerval - Faust Garnier.djvu/393

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audacieuse imagination, c’est ici, hélas ! ici qu’il faut jeter l’ancre !



ADIEUX AU LECTEUR


Ma muse se tait, et sent la rougeur monter à ses joues virginales ; elle s’avance vers toi pour entendre ton jugement, qu’elle recevra avec respect, mais sans crainte. Elle désire obtenir les suffrages de l’homme vertueux, que la vérité touche, et non un vain éclat ; celui qui porte un cœur capable de comprendre les impressions d’une poésie élevée, celui-là seul est digne de la couronner.

Ces chants auront assez vécu, si leur harmonie peut réjouir une âme sensible, l’environner d’aimables illusions et lui inspirer de hautes pensées ; ils n’aspirent point aux âges futurs ; ils ne résonnent qu’une fois sans laisser d’échos dans le temps ; le plaisir du moment les fait naître, et les heures vont les emporter dans leur cercle léger.

Ainsi le printemps se réveille : dans tous les champs que le soleil échauffe, il répand une existence jeune et joyeuse ; l’aubépine livre aux vents ses parfums ; le brillant concert des oiseaux monte jusqu’au ciel ; tous les sens, tous les êtres partagent la commune ivresse… Mais dès que le printemps s’éloigne, les fleurs tombent à terre, fanées, et pas une ne demeure de toutes celles qu’il avait fait naître.