Page:Goethe-Nerval - Faust Garnier.djvu/47

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Pour vous qui pouvez tendre à d’illustres suffrages,
À votre siècle aussi consacrez vos ouvrages :
Ayez le sentiment, la passion, le feu !
C’est tout… Et la folie ! il en faut bien un peu.

LE DIRECTEUR.

Surtout de nos décors déployez la richesse ;
Qu’un tableau varié dans le cadre se presse,
Offrez un univers aux spectateurs surpris…
Pourquoi vient-on ? pour voir : on veut voir à tout prix.
Sachez donc par l’EFFET conquérir leur estime,
Et vous serez pour eux un poëte sublime.
Sur la masse, mon cher, la masse doit agir :
D’après son goût, chacun voulant toujours choisir,
Trouve ce qu’il lui faut où la matière abonde,
Et qui donne beaucoup donne pour tout le monde.
Que votre ouvrage aussi se divise aisément ;
Un plan trop régulier n’offre nul agrément ;
Le public prise peu de pareils tours d’adresse,
Et vous mettrait bien vite en pièces votre pièce.

LE POËTE.

Quels que soient du public la menace ou l’accueil,
Un semblable métier répugne à mon orgueil ;
À ce que je puis voir, l’ennuyeux barbouillage
De nos auteurs du jour obtient votre suffrage.

LE DIRECTEUR.

Je ne repousse pas de pareils arguments :
Qui veut bien travailler choisit ses instruments.
Pour vous, examinez ce qui vous reste à faire,
Et voyez quels sont ceux à qui vous voulez plaire.
Tout maussade d’ennui, chez nous l’un vient d’entrer ;
L’autre sort d’un repas qu’il lui faut digérer ;
Plusieurs, et le dégoût chez eux est encore pire,
Amateurs de journaux, achèvent de les lire :
Ainsi qu’au bal masqué, l’on entre avec fracas,
La curiosité de tous hâte les pas :
Les hommes viennent voir ; les femmes, au contraire,
D’un spectacle gratis régalent le parterre.