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DIVAN. 561

Vous ai-je donc jamais donné des conseils sur la conduite de la guerre ? Vous ai-je blâmés, lorsque, après vos exploits, vous voulûtes conclure la paix ?

Et j’ai vu aussi avec tranquillité le pêcheur jeter ses filets ; je n’ai pas eu besoin de recommander au menuisier habile l’usage de l’équerre.

Mais vous voulez mieux savoir ce que je sais, moi qui ai médité ce que la nature, pour moi diligente, m’a déjà donné en partage.

Vous sentez-vous la même force, eh bien, avancez vos affaires ! Mais, quand vous voyez mes ouvrages, apprenez d’abord à vous dire : « C’est ainsi qu’il a voulu les faire. »

Paix de l’âme chez le pèlerin.

Que nul ne se plaigne de la bassesse, car c’est la puissance, quoi que l’on vous dise.

Elle règne dans le mal pour son grand avantage, et, de la justice, elle dispose comme elle veut.

Pèlerin, voudrais-tu regimber contre cette loi fatale ? Laisse le tourbillon et la boue desséchée tourner et poudroyer.


Qui demandera au monde ce que le monde lui-même rêve et désire, et, regardant en arrière ou de côté, néglige de jour en jour ? Ses efforts, sa bonne volonté, poursuivent d’un pied boiteux la vie fugitive, et, ce qui vous fut nécessaire autrefois, il voudrait vous le donner aujourd’hui.


C’est un défaut de se louer soi-même : cependant il se loue, celui qui fait quelque bien, et puis, s’il n’est pas dissimulé dans son langage, le bien, quoi qu’on dise, est toujours bien.

Laissez donc, insensés, au sage, qui se croit sage, le plaisir de gaspiller, en véritable fou comme vous, l’insipide reconnaissance du monde.


Croyez-vous donc que de la bouche à l’oreille il y ait un véritable profit ? Insensés, la tradition est aussi une pure chi-