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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome II.djvu/117

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RY.

Le métier ne te plaisait-il pas ?

THOMAS.

Fort bien, parfaitement, mais pas longtemps. Je ne prendrais pas cinquante doublons pour n’avoir pas été soldat. On est un tout autre gaillard ; on devient plus éveillé, plus joyeux, plus adroit ; on peut s’arranger de tout, et l’on sait comme va le monde.

JÉRY.

Comment es-tu venu par ici ? Où vas-tu rôder ?

THOMAS. "

A la maison, chez ma mère, je ne me plaisais pas trop d’abord ; j’ai acheté et pris à crédit une quarantaine de vrais bœufs d’Appenzell, tous noirs et brun-noirs comme la nuit ; je les mène à Milan : c’est un bon commerce. On gagne quelque chose, et l’on s’amuse en chemin. J’ai là mon violon sur moi, avec quoi je rends sains les malades et joyeux les jours de pluie. Mais toi, comment va-t-il, mon vieux Tell ? Tu n’as pas l’air gaillard ? Qu’as-tu donc ?

JÉRY.

Je serais aussi parti volontiers depuis longtemps ; j’aurais aussi essayé volontiers un trafic de la sorte. D’ailleurs j’ai toujours de l’argent qui dort, et je me déplais fort au logis.

THOMAS.

Hem ! hem ! Tu n’as pas l’air d’un marchand ; il faut avoir les yeux éveillés : tu as l’air sombre et chagrin.

JÉRY.

Ah ! Thomas !

THOMAS.

Ne soupire pas : ça m’est odieux.

JÉRY.

Je suis amoureux.

THOMAS.

Rien de plus ? Oh ! moi, je le suis toujours, lorsque j’arrive en un quartier, et que les filles ne sont pas trop affreuses.

Une fillette, un verre de vin, Guérissent tous les maux ; Et qui ne boit et qui n’embrasse Est comme s’il était mort.