Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome II.djvu/149

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ma cage est toujours malheureux. Quand vous retournez, seigneur, dans vos murailles, avec le sentiment de votre vaillance et de votre force, à laquelle nulle fatigue ne peut porter atteinte ; lorsque, pour la première fois, après un longtemps, à l’abri des surprises de l’ennemi, vous vous couchez, désarmé, dans votre lit, et que vous attendez le sommeil, plus délicieux pour vous que pour moi la boisson après une longue soif, alors vous pouvez parler de bonheur !

GŒTZ.

Aussi ces moments-là reviennent-ils rarement.

MARTIN, plus animé.

Et, quand ils viennent, c’est un avant-goût du ciel… Lorsque vous revenez chargé des dépouilles de vos ennemis, et que vous pouvez vous redire : « J’ai désarçonné celui-ci, avant qu’il ait pu tirer, et j’ai abattu celui-là avec son cheval… » qu’ensuite vous montez à votre château, et…

GŒTZ.

Eh bien ?

MARTIN.

Et vos femmes ! (Il verse à boire.) À la santé de votre femme ! (Il s’essuie les yeux.) Vous en avez une sans doute ?

GŒTZ.

Une noble, une excellente femme !

MARTIN.

Heureux celui qui possède une femme vertueuse ! Sa vie en est doublée. Je ne connais aucune femme, et pourtant la femme fut la couronne de la création.

GŒTZ, à part.

Il me fait pitié. Le sentiment de son état lui ronge le cœur.

GEORGE, accourant.

Seigneur, j’entends des chevaux au galop. Deux !… Ce sont eux certainement.

GŒTZ.

Sors mon cheval ! Que Jean se mette en selle. Adieu, cher frère ! Que Dieu vous accompagne ! Soyez courageux et patient. Dieu vous soutiendra.

MARTIN.

Votre nom, je vous en prie ?