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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome II.djvu/161

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que nous n’avons vidé une bouteille ensemble. (Il boit à sa santé.) Allons, le cœur joyeux !

WEISLINGEN.

Les temps en sont passés.

GŒTZ.

Dieu nous en préserve ! À la vérité, nous ne retrouverons guère des jours plus heureux qu’à la cour du margrave, lorsque nous avions encore le même lit, et que nous allions courant le jour ensemble. Je me souviens avec joie de ma jeunesse. Vous rappelez-vous encore l’affaire que je me fis avec ce Polonais, à qui je dérangeai par accident, avec ma manche, sa chevelure frisée et pommadée ?

WEISLINGEN.

C’était à table, et il vous porta un coup de son couteau.

GŒTZ.

Alors je le rossai bravement, et là-dessus vous eûtes une querelle avec son camarade. Nous nous soutenions toujours comme de bons et braves garçons, et chacun le savait bien. (Il lui verse à boire et lui porte une santé.) Castor et Pollux ! Cela me faisait toujours du bien au cœur, quand le margrave nous appelait ainsi.

WEISLINGEN.

C’est l’évêque de Wurtzbourg qui avait commencé.

GŒTZ.

C’était là un savant homme, et avec cela si affable ! Je me souviendrai de lui tant que je vivrai ; comme il nous choyait, louait notre union, et estimait heureux l’homme qui est un frère jumeau pour son ami.

WEISLINGEN.

Ne parlons plus de cela.

GŒTZ.

Pourquoi pas ? Après le travail, je ne sais rien de plus agréable que de me rappeler le passé. Oui, quand je reviens à songer comme nous portions ensemble plaisirs et peines, comme nous étions tout l’un pour l’autre, et comme je me flattais alors qu’il en serait ainsi toute notre vie ! Ne fut-ce pas toute ma consolation, lorsque cette main me fut emportée devant Landshut, et que tu me secourus et me soignas mieux